El lobo estepario / Le loup des steppes (1927)
Hermann Hesse (Deutschland, 1877 - Suisse, 1962)
Texto en español y francés
Español
Voy a decirte hoy una cosa, algo que sé desde hace ya tiempo, y tú también lo sabes ya, pero quizás no te lo has dicho a ti mismo todavía. Ahora te digo lo que sé acerca de ti y de mí y de nuestra suerte. Tú, Harry, has sido un artista y un pensador, un hombre lleno de alegría y de fe, siempre tras la huella de lo grande y de lo eterno, nunca satisfecho con lo bonito y lo minúsculo. Pero cuanto más te ha despertado la vida y te ha conducido a ti mismo, más ha ido aumentando tu miseria y más hondamente te has sumido hasta el cuello en pesares, temor y desesperanza, y todo lo que tú en otro tiempo has conocido, amado y venerado como hermoso y santo, toda tu antigua fe en los hombres y en nuestro alto destino, no ha podido ayudarte, ha perdido su valor y se ha hecho añicos. Tu fe ya no tenía aire para respirar. Y la asfixia es una muerte muy dura. ¿Es exacto, Harry? ¿Es ésta tu suerte?
[…]
Para este mundo sencillo de hoy, cómodo y satisfecho con tan poco, eres tú demasiado exigente y hambriento; el mundo te rechaza, tienes para él una dimensión de más. El que hoy quiera vivir y alegrarse de su vida, no ha de ser un hombre como tú ni como yo. El que en lugar de chinchín exija música, en lugar de placer, alegría; en lugar de dinero, alma; en vez de loca actividad, verdadero trabajo; en vez de jugueteo, pura pasión; para ese no es hogar este bonito mundo que padecemos...
Français
Je voudrais à présent te dire quelque chose ; une chose que je sais depuis longtemps et que tu sais déjà, toi aussi, mais que tu as peut-être préféré ne pas encore t'avouer. Je vais te révéler ce que je sais sur moi, sur toi et sur notre destin. Toi, Harry, tu as été un artiste et un penseur ; un homme débordant de gaieté et de foi ; toujours à la recherche du sublime et de l'éternel ; ne se satisfaisant jamais de ce qui est joli et médiocre. Mais plus la vie t'a ouvert les yeux et fait prendre conscience de toi-même, plus ta détresse a grandi. Progressivement, tu t'es enfoncé jusqu'au cou dans la souffrance, l'inquiétude et le désespoir. Tout ce que tu connaissais de beau et de sacré ; tout ce que tu aimais et vénérais auparavant ; toute ton ancienne foi dans l'homme et dans la grandeur de sa destinée ne t'ont été d'aucun secours. Tout cela a perdu sa valeur et s'est effondré. Ta foi n'a plus trouvé d'air pour respirer ; or la mort par asphyxie est cruelle. Est-ce exact, Harry ? Est-ce là ton destin ?
[…]
Tu es bien trop exigeant et affamé pour ce monde simple et indolent, qui se satisfait de si peu. Il t'éxècre ; tu as pour lui une dimension de trop. Celui qui désire vivre aujourd'hui en se sentant pleinement heureux n'a pas le droit d'être comme toi ou moi. Celui qui réclame de la musique et non des mélodies de pacotille ; de la joie et non des plaisirs passagers ; de l'âme et non de l'argent ; un travail véritable et non une agitation perpétuelle ; des passions véritables et non des passe-temps amusants, n'est pas chez lui dans ce monde ravissant...
1 comentario:
Diego, gracias por el texto!
Und Danke für das Foto, "Der Depp";) von http://manmussdasnichtlesen.blogspot.com
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